Pourquoi j'ai tué Dieu.
Paris, janvier 2015
« Monsieur le commissaire, Je dois vous avouer quelque chose : je crois que j’ai fait une connerie : je viens d’assassiner Dieu. »
Ce n’était pas prémédité. En fait, j’étais passé chez lui hier soir (rue du Paradis, dans le Xème) pour boire un coup et lui parler de deux trois trucs qui me chiffonnaient ces derniers temps dans l’actualité.
Ben oui, parce que, on dira ce qu’on voudra, c’est quand même le Boss. Celui qui a tout créé en six jours, je m’excuse, en s’offrant même le luxe de se reposer le septième. Et puis son fiston a fait deux trois trucs assez balèzes, comme faire trotter les paralytiques ou marcher sur la mer sans se mouiller les sandales… Il a un potentiel, quand même, Dieu.
Au départ, la soirée a commencé assez cool. On s’est descendu quelques whiskies en parlant de choses et d’autres…Faut dire qu’il vieillit mal, le vieux, et c’est aussi pour cela que j’avais envie de parler avec lui. Je ne sais pas s’il est déprimé, ou quoi, mais il ne fait plus grand-chose et passe son temps vautré sur son canapé à bouffer des cacahouètes en regardant la télé. Elle est où, la magnificence divine, je vous le demande ?
Assez rapidement, je l’ai attaqué sur Ebola, qui est tout de même en train de tuer des populations qui en avait déjà pris plein la gueule lors des différentes famines ou guerres civiles… « Dis-donc, Pépère (oui, je l’appelle Pépère, nous sommes très proches) faudrait voir à se réveiller et à arrêter tes conneries » que je lui ai dit. « Tous ces innocents qui meurent, ces gosses orphelins, ça ne te dérange pas trop ? Tu dors bien ? La Sierra Leone, ça te dit quelque chose ? Pour les horreurs des rebelles qui coupaient les bras des enfants dans les années 90, j’ai rien dit. Pour le paludisme et la faim qui ont tué des milliers de personnes sur ceux qui en avait réchappé, je me suis encore écrasé. Mais là, ça commence à faire beaucoup, non ? Pourquoi tu tapes toujours sur les mêmes ? T’es raciste ou quoi ? »
« Et puis t’as pas l’impression d’être un peu distrait, ces derniers temps ? Ce massacre de mecs qui dessinaient des petits Mickeys chez Charlie Hebdo à Paris… tu regardais ailleurs à ce moment-là ? Un petit accident, même une simple crevaison, sur la voiture des deux décérébrés à la kalachnikov avant qu’ils arrivent dans le XIème, c’était trop te demander, peut-être ? »
« Moi, je vais te dire : faudrait voir à arrêter la picole, mon bonhomme, parce que tu n’es plus que l’ombre de toi-même. Faudrait penser à nous envoyer vite fait un prophète de rechange, parce que, depuis que tu as créé l’homme à ton image, ça a un peu changé et y’en a quelques-uns que tu ne reconnaitrais pas.
Et puis, fais gaffe : y’a des mecs vraiment pas nets qui se réclament de toi et qui en profitent pour faire n’importe quoi. Tu devrais leur causer : tu pourrais commencer par le Pape, par exemple, et lui expliquer que le SIDA est un tantinet plus dangereux qu’un préservatif. Que deux hommes ou deux femmes qui s’aiment, tu t’en fiches complétement et que ça reste de l’Amour et que c’est le plus important ».
« Et puis je te rappelle que tu t’appelles aussi Allah. Donc je te conseille, quand tu seras chaud, de parler ensuite à deux ou trois de tes supporters qui ont un peu les fils qui se touchent ces derniers temps.
Leur expliquer qu’on peut raconter des conneries sur toi, et que c’est pas si grave que ça. Que même, ça te fait marrer. Que y’a rien de mal à reluquer une gonzesse et qu’ils ne sont pas obligés de les bâcher et de les enfermer à la maison. Tu pourrais aussi causer du pays avec quelques imams à qui tu as dû oublié de livrer des cerveaux en bon état et leur balancer deux ou trois de tes fameuses colères divines sur les côtelettes, non ? Leur expliquer que la ceinture d’explosif, la kalachnikov ou le RPG, ça fait pas partie des trucs que tu kiffes, ce serait trop te demander ?»
C’est à ce moment-là que ça c’est gâté… Il m’a énervé, a tenté de botter en touche…. Il regardait ailleurs… « Oui, euh, d’abord, Je fais ce que Je veux, Mes desseins sont impénétrables … patali, patalère. Le bonheur n’est pas de ce monde, z’avez qu’à attendre la vie éternelle.Et puis, c’est votre faute. Z’avez qu’à vous en prendre à Eve, c’est elle qui a voulu bouffer les fruits de l’arbre de la connaissance et qui vous a mis dans le pétrin avec le péché originel. Je lui avais pourtant bien dit de se tenir à carreau, mais non, il a fallu qu’elle fasse son intéressante. Z’avez qu’à voir ça avec elle…
Et puis arrêtez de me coller tout sur le dos. Le libre arbitre, t’en a entendu parler ? Qu’est-ce que vous avez fait pour arranger les choses, vous, les hommes ? J’avais dit « L’homme propose et Dieu dispose ». Questions propositions, je vous attends encore… »
«Désolé, que je lui répondu, des propositions, on en a faites…. Mais manifestement, elles ne plaisaient pas à Môssieur Dieu. Quand ils ont tué Jaurès, Gandhi, Martin Luther King, Thomas Sankara….avant que leurs messages puissent se développer, t’étais où ? C’est quand même toi qui a écrit sur sa carte de visite « Dieu tout puissant, roi de l’Univers » oui ou non ? »
« Meuh non, c’est des conneries tout ça », qu’il m’a répondu. Tu crois au Père Noël ou quoi ? Tu crois vraiment que si j’étais tout Puissant, ce serait autant la merde ? T’es pas un peu crédule ? J’y peux que dalle, moi, à tout ça. Et puis surtout, j’en ai rien à faire, mon bonhomme. J’me fais vieux et j’aimerais bien être peinard. Vous faites des manifs pour la retraite à 60 ans, mais vous savez l’âge que j’ai ? Demerdez-vous » Et il s’est resservi un whisky.
Je ne sais pas pourquoi, ça m’a énervé. On était tous en train de croire qu’il pouvait arranger nos bidons et voilà que le « Boss » se défilait. Pire, il avouait qu’il n’y pouvait rien…. Toutes ces croyances, toutes ces prières, tous ces gens prosternés de par le vaste monde … pour rien…
J’ai vu rouge et j’ai frappé. Il s’est écroulé raide mort sur la moquette. Y’a même pas eu de fin du monde. ..
Désormais, c’était à nous seul de construire un monde meilleur.
Je suis rentré chez moi en prenant le dernier métro.
J’ai bien dormi ensuite, et ce sont vos agents qui m’ont réveillé ce matin, monsieur le commissaire.
P.S. Tout cela n’est pas vrai. Il s’agit d’une fiction car, comme vous le savez, Dieu n’existe pas.
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