Les poncifs du pontife
Paris, juin 2014
Ce doit être mon côté « ravi de la crèche »… mais c’est plus fort que moi : à chaque fois qu’un nouveau pape est élu, j’espère qu’il sera différent des autres : moins coincé, moins intransigeant, plus tolérant …
Bon, allez, osons le mot… moins con.
A chaque fois, j’espère qu’il aura révisé ses cours avant de prendre ses fonctions, qu’il aura surtout relu un vieux et gros livre qui parle d’amour, de respect de la différence, de mépris de l’argent et des valeurs terrestres.
Mais non, à chaque fois, à peine installé dans ses ors vaticanesques, il se met à chevroter des stupidités au milieu de ses évêques ou cardinaux, à un âge ou la plupart des humains normalement constitués ne songe qu’à profiter d’une retraite bien méritée en taquinant le goujon sur les bords de la Loire.
Et hop, on établit des relations de franche camaraderie avec les dictatures (Pie XII face au nazisme pendant la dernière guerre, ou notre pape argentin actuel, François, avec la dictature dans son pays à la fin des années 70).
Et hop, on trempe dans des affaires de corruption et de blanchiment d'argent avec l'Institut pour les œuvres de religion (IOR), la banque du Saint-Siège.
Et re-hop, on cautionne, par son silence, les multiples affaires de pédophilies impliquant des prêtres (à tel point que les évêques de France se verront dans l’obligation de créer un « Comité consultatif en matière d'abus sexuels sur mineurs », chargé de travailler de façon interdisciplinaire sur la question des abus commis au sein de l’église). Un « comité consultatif »…pourquoi pas une hot-line « Pédophile 24/24 »?
Lorsque des prêtres prennent parti pour les plus pauvres et tentent de lutter contre les oppressions en tous genres, on attire « l'attention des pasteurs, des théologiens et de tous les fidèles, sur les déviations et les risques de déviation, ruineux pour la foi et pour la vie chrétienne, que comportent certaines formes de théologie de la libération qui recourent, d'une manière insuffisamment critique, à des concepts empruntés à divers courants de la pensée marxiste » (1)
Bref, on développe une belle morale politique condamnant en vrac la lutte des classes, l'homosexualité, le mariage gay, le divorce, la pilule, le préservatif et l’avortement, la libération de la femme et toute forme de progrès social.
S’il en fallait encore une preuve, voici la dernière du dernier (pape) :
Il a célébré la messe récemment dans sa résidence de Sainte -Marthe au Vatican. Jusque-là, me direz-vous, tout est normal. C’est son boulot, à François.
Mais au cours de la messe, il n’a pas pu s’empêcher de dénoncer: «Ces couples qui ne veulent pas d'enfants (...) cette culture du bien-être économique qui, il y a dix ans, les a convaincus que "c'est mieux de ne pas avoir d'enfant". Comment c'est mieux !»
«Ah c'est sûr, ainsi, tu peux visiter le monde, partir en vacances, avoir une maison à la campagne, être tranquille... «mais à la fin, ces couples parviennent à la vieillesse, dans l'amertume de la méchante solitude»
BRRRR ! la «méchante solitude » ! Comme celle d’un vieillard se desséchant seul et chafouin dans sa triste cellule vaticane ?
Passons rapidement sur le fait que si j’avais un avis à demander à quelqu’un sur la famille, la vie de couple, la sexualité et la place de la femme dans la société, il est peu probable que je m’adresserais à quelqu’un qui milite activement pour le célibat des prêtres et qui a par ailleurs fait vœu de chasteté.
Est-ce qu’on demande aux incarcérés volontaires de la Star Academy de pratiquer une exégèse des « Lettres à Lucilius » de Sénèque ? Est-ce qu’on demande à un adjudant-chef du 21ème Régiment d’Infanterie de Marine son avis sur la culture des orchidées ?
Est-ce qu’on imagine discuter de l’importance du syndicalisme ouvrier avec un député de droite, ou bien de détresse sociale avec un député P.S ?
Il y a cependant deux choses qu’il convient de noter dans ce discours d’un autre siècle: les couples qui ne veulent pas d’enfant (et par conséquence les femmes qui n’ont pas d’enfant) ratent leur vie et surtout, surtout…. Ils sont « tranquilles ».
1-Etre tranquille, voilà l’ennemi.
La première cible de l’ironie de notre vieillard cacochyme et délirant, il le dit : c’est cette « culture du bien-être » qui nous entraine sur cette pente savonneuse ou l’homme finit par « visiter le monde, partir en vacances, avoir une maison à la campagne, être tranquille »…. L’horreur absolue !
Selon François, il nous faut donc être à l’opposé de l’homme tranquille.
Plus que jamais désireux de tenter par tous les moyens d’éviter les feux de la géhenne (ce châtiment qui menace tous ceux qui refusent le salut de Dieu) et souhaitant ardemment me conformer à la doctrine de notre sainte église apostolique et romaine, j’ai donc cherché la liste des contraires du mot « tranquille » (antonymes, comme ils disent) auprès du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL)(2):
Voilà ce que j’ai trouvé, en vrac : Affolé, agité, animé, anxieux, bruyant, coléreux, défiant, enflammé, excité, fougueux, frénétique, furieux, hagard, inquiet, méchant, ombrageux, orageux, tourmenté, troublé, tumultueux, turbulent !
Ben Fanfan, t’as des vapeurs ? C’est cela, l’homme idéal selon toi ?
Non je crains plutôt que « tranquille » signifie pour toi « qui ne craint plus Dieu ». Ah ! la crainte de Dieu… voilà le sentiment qui a permis, au cours des siècles, de garder les brebis égarées parquées dans les églises, dans l’attente du paradis d’un hypothétique arrière-monde.
Notre vieil ami Epicure l’avait bien compris et c’était d’ailleurs le premier point de son quadruple remède ou Tetrapharmakon : Un des moyens d’atteindre l’ataraxie, cette absence de trouble ou « tranquillité de l’âme » comme l’appellera plus tard Sénèque c’est de savoir que les dieux ne sont pas à craindre. Mais bien évidemment, voilà qui ne fait pas l’affaire de notre ami François Premier.
C’est le moment de réviser son Epicure….
Pour Épicure la recette du bonheur est assez simple : Le Tetrapharmakon. Tout homme qui s’administre ce quadruple remède parviendra au souverain bien qu’est le bonheur.
a)Les dieux ne sont pas à craindre : Epicure n’est pas athée : « Car les dieux existent, attendu que la connaissance qu’on en a est évidente. Mais, quant à leur nature, ils ne sont pas tels que la foule le croit »(3). Les dieux, sont des êtres supérieurs, éternels, incorruptibles et jouissent d’un bonheur total. Ils ne s’intéressent donc pas aux hommes : des dieux qui auraient la faiblesse de se préoccuper des hommes ne seraient ni parfaits, ni heureux et… ne seraient donc pas des dieux. Les dieux existent, oui, mais ils vivent « heureux comme des Dieux » loin de nous et sont indifférents à nos offrandes, à nos sacrifices et à nos prières.
b) La mort n’est pas à craindre : « « Ainsi, le plus effroyable des maux, la mort, n’est rien pour nous, étant donné, précisément, que quand nous sommes, la mort n’est pas présente ; et que, quand la mort est présente, alors nous ne sommes pas. Elle n’est donc ni pour les vivants ni pour ceux qui sont morts, étant donné, précisément, qu’elle n’est rien pour les premiers et que les seconds ne sont plus »(3).
La crainte de la mort ne fait rien d’autre, en réalité, que de nous empêcher de bien vivre.
c) On peut atteindre le bonheur : Il suffit de rechercher le plaisir, mais en sachant faire la différence entre
- les plaisirs naturels et nécessaires : boire quand on a soif, manger quand on a faim, dormir…. si nous ne les assouvissons pas, nous souffrons puis nous mourons. Ils sont donc indispensables à la fois au bonheur et à la vie. La nature a si bien fait les choses que ce sont précisément les désirs les plus aisés à satisfaire.
- les plaisirs naturels et non nécessaires : manger avec raffinement ou au-delà du besoin, assouvir un désir sexuel,... ces désirs ne sont pas mauvais au sens strict, mais, le sage doit tout de même s'en méfier et n'en user qu'avec modération car ils peuvent dégénérer en passion destructrice.
- les plaisirs non naturels et non nécessaires: l'ambition, la richesse, la soif de domination, Ils sont à éviter absolument car artificiels. De plus, ils renaissent sitôt assouvis.
Si l’on écarte ces derniers, parce qu’ils sont insatiables (à la fois très difficiles à satisfaire et jamais totalement satisfaits) et donc générateurs de troubles, alors le bonheur est possible.
d) La douleur est supportable : La douleur n’est jamais bonne par elle-même et n’est jamais à rechercher. Mais selon Epicure, on souffre plus de l’anticipation de la douleur que de la douleur elle-même. Car si la douleur advient :
Soit elle est très vive, mais ne dure pas.
Soit elle est chronique et dans ce cas on s’y habitue et elle devient supportable.
Soit elle est très vive et dure et dans ce cas la mort n’est pas loin.
Enfin, c’est la théorie d’Epicure….
2-Hors l’enfant, point de salut, ou « Ainsi, lorsque les époux chrétiens… assument leur rôle procréateur et prennent généreusement leurs responsabilités humaines et chrétiennes, ils rendent gloire au Créateur, et ils tendent, dans le Christ, à la perfection »(4)
Une femme, n’en déplaise à François Premier, peut décider en conscience de ne pas avoir d’enfant et de faire autre chose de sa vie. Cela ne l’empêche pas d’être et de demeurer femme. Si l’on en croit même une étude d’un psychologue nommé Satoshi Kanazawa et travaillant au département de Psychologie du Birkbeck college, à Londres, plus une femme est intelligente, moins elle a envie de faire un enfant ….
Il a analysé les résultats d’une étude du NCDS britannique (National Child Development Study) et selon lui, pour chaque tranche de 15 points de QI en plus, la probabilité qu’une femme ait des enfants chute de 25%. Bon d’accord, le QI reste un moyen discutable de mesurer l’intelligence, et le psychologue en question est plutôt controversé, mais il n’empêche…
Selon ce psychologue, l’intelligence nous amène à nous comporter de la manière opposée à celle que nous dicte notre instinct :
Cette théorie est plutôt intéressante, même si elle est discutable :
L’évolution a fourni aux humains toute une série de solutions permettant la survie et la reproduction. Tout ce qu’ils avaient donc à faire était de se comporter conformément à ce que cette évolution leur dictait : manger de la nourriture qui a bon goût et se reproduire avec les partenaires les plus attractifs.
Cependant l’évolution nous a également équipé d’une « intelligence générale » afin, qu’en réfléchissant, nos ancêtres puissent s’adapter à des situations nouvelles et inconnues. Cette intelligence générale est devenue très importante dans notre vie moderne, car notre environnement n’est constitué presque exclusivement que de situations nouvelles : la plupart des problèmes que nous avons à résoudre aujourd’hui (étudier, trouver du travail, manipuler un ordinateur et en faire -presque- tout ce que l’on désire…) sont des situations nouvelles du point de vue de l’évolution.
Cette intelligence générale permet donc de résoudre les problèmes liés à toute configuration inhabituelle. Les personnes intelligentes vont donc avoir tendance à se placer de préférence dans ce type de situation, ce qui va leur donner un avantage sur leurs congénères. Leurs choix seront à l’opposé de ceux de nos ancêtres il y a 100000 ans :
Par exemple, les gens intelligents auront tendance à être de gauche (alors que nos ancêtres étaient plutôt conservateurs en ne s’occupant que de leur bien être personnel et de celui de leur famille). Ils vont plutôt être athées, parce que leurs ancêtres étaient traditionnellement croyants. Ils vont plutôt vivre la nuit, parce que l’homme est un animal destiné à se lever avec le soleil et à rentrer se coucher quand le soleil disparait. Ils seront plus volontiers homosexuels (pour aller contre la reproduction hétérosexuelle génétique), aimeront plutôt la musique instrumentale, parce que la musique est à l’origine principalement vocale. Les hommes les plus intelligents deviendront plus facilement monogames et végétariens alors que leurs ancêtres étaient polygames et omnivores. Alors que ses ancêtres considéraient le crime comme un moyen naturel de compétition, l’homme intelligent obéira lui à la loi.
Et donc la femme intelligente décidera, pour les mêmes raisons, de ne pas avoir d’enfant.
Et puis peut-on opposer Marguerite Yourcenar ou Simone de Beauvoir et leurs œuvres respectives à Dominique Le Jolis de Villiers de Saintignon, (née de Buor de Villeneuve), femme de l’homme politique du même nom (de Villiers), mère certes méritante de sept enfants, mais inconnue par ailleurs?
A propos de Simone de Beauvoir, conseillons donc à notre pape la (re)-lecture du « Deuxième sexe » :
Le rapport des parents aux enfants, comme celui des époux, devrait être librement voulu. Et il n’est pas même vrai que l’enfant soit pour la femme un accomplissement privilégié ; on dit volontiers d’une femme qu’elle est coquette, ou amoureuse, ou lesbienne, ou ambitieuse « faute d’enfant » ; sa vie sexuelle, les buts, les valeurs qu’elle poursuit seraient des succédanés de l’enfant. En fait, il y a primitivement indétermination : on peut dire aussi bien que c’est faute d’amour, faute d’occupation, faute de pouvoir assouvir ses tendances homosexuelles que la femme souhaite un enfant. C’est une morale sociale et artificielle qui se cache sous ce pseudo-naturalisme. Que l’enfant soit la fin suprême de la femme, c’est là une affirmation qui a tout juste la valeur d’un slogan publicitaire.(5)
Donc, Fanfan, un conseil : continue de donner ton avis sur le sexe des anges, sur le mystère de la Sainte Trinité ou de l’Incarnation. Voilà de vrais sujets, dignes d’un don (comme disent les cloches pascales) de ta personne.
Promis, malgré l’intérêt que j’y porte, je ne donnerai pas mon avis sur ces questions essentielles.
Ni sur les gens qui décident de vivre en dehors de la réalité en racontant des fables aux humains trop crédules.
Bibliographie
- Congrégation pour la doctrine de la foi. Instruction « Libertatis nuntius » sur quelques aspects de la théologie de la libération : http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith_doc_19840806_theology-liberation_fr.html
- http://www.cnrtl.fr/antonymie/
- Epicure - Lettre à Ménécée
- CONSTITUTION PASTORALE SUR L'ÉGLISE DANS LE MONDE DE CE TEMPS « GAUDIUM ET SPES »
- Simone de Beauvoir : « Le deuxième sexe » Chapitre VI « La mère »
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