Les étoiles dans le caniveau

Paris, août 2013

Dans la moiteur de l’été, on pourrait parfois croire que le monde est passé dans un autre espace-temps, dans une quatrième dimension où les choses et les êtres sont différents….

Une nuit, où je restais debout au coin de la rue sans attendre personne (c’est cela la puissance, selon Gregory Corso…), j’écoutais les feux tricolores ronronner.

Il n’y a que les nuits d’été, quand la ville est déserte,  que l’on peut entendre le ron-ron des feux tricolores à Paris, savez-vous ?

Un chef d’orchestre fou continuait imperturbablement à changer les couleurs des feux : vert… orange… rouge… vert… orange… Aucune voiture à l’horizon, aucun piéton non plus : vert… orange… rouge… vert… orange…

Les autorisations, puis les interdictions de passer se succédaient, inutiles.

Redevenus pure lumière, les couleurs donnaient des reflets changeants aux flaques d’eau laissées par le récent orage et transformaient la rue qui dormait en une boîte de nuit fantôme et silencieuse… vert... orange… rouge… vert… orange…

La ville libérée de ses occupants pouvait enfin se passer du flic électrique.

Un autre monde était là…

Le lendemain, rendez-vous en préfecture pour le renouvellement d’un passeport.

A peine la porte franchie, je marche dans des couloirs semés de feuilles de rose, les haut-parleurs diffusent l’adagietto de la Cinquième symphonie de Gustav Malher…

Un fonctionnaire de police vient vers moi en souriant, m’accueille chaleureusement et me propose un thé à la menthe, en m’invitant à m’asseoir dans un profond fauteuil... 

Non, je plaisante…

Mais le fonctionnaire était vraiment aimable, et il avait cinq minutes d’avance par rapport à l’heure du rendez-vous… Plus fort encore,  il ne manquait aucun document au dossier et j’avais même rempli correctement, du premier coup, le formulaire Cerfa N° 12100*02 (D)…

Preuves définitives et incontestables de ma présence dans une faille spatio-temporelle.