Les étoiles dans le caniveau

Les étoiles dans le caniveau

La quadruple imposture : Pour en finir avec l'écologie politique. Première partie

 

Paris, mai 2022

 

 

Note au lecteur :

Entendons-nous bien et réglons tout de suite le point essentiel : peu de gens sont, plus que moi, intimement et profondément convaincus qu’il faut lutter pour préserver la qualité de notre environnement et sa diversité.

 

Tout d’abord parce que je le dois à mes ancêtres paludiers ou laboureurs, qui se battaient chaque jour contre les quatre éléments pour en tirer la subsistance de leur famille.

Pour pouvoir labourer la terre des autres et la faire fructifier, ou pour tirer le sel de la mer avec le soleil et le vent, ils étaient, eux, les premiers écologistes.

Ensuite en raison d’une enfance campagnarde. Je le dois à Clémence, à Théo ou à Philippe qui m’ont appris comment on gardait les vaches, labourait au cheval (oui, je suis suranné) ou « faisait » l’agnelage. Je le dois à mon père, qui m’a appris comment planter patates, poireaux et radis.

Et lorsque le jardin nous laissait un peu de tranquillité, parce que j’ai passé suffisamment de temps à tenter d’apercevoir la bécassine dans les marais ou la drosera dans les tourbières, à observer les soirs d’été l’énorme mâle du lucane cerf-volant (Lucanus cervus) qui vrombissait dans l’air tiède, ou, au printemps, à comptabiliser les petites mésanges de mes nichoirs.

La disparition des zones humides, la raréfaction des passereaux ou la destruction des sols me paraissent des sujets graves et sérieux, et personne plus que moi n’est prêt à se battre pour stopper cette dégradation.

 

Dois-je également insister sur le profond respect que je porte aux « vrais » écologistes de terrain, ces agriculteurs et ces jardiniers qui essaient de produire autrement en alternant fertilisation naturelle, plantations alternées et lutte biologique ?

 

Et c’est justement pour cela que l’écologie politique me révulse, en accaparant les débats et en les caricaturant.

 

Ecologistes, vous prétendez vouloir lutter pour préserver la biodiversité. Noble tâche !

Mais avant de la préserver, il faudrait déjà la connaitre. Apprenez d’abord à ne pas appeler « mouettes » les goélands, à distinguer le martinet dansant sur les toits de nos villes de l’hirondelle, à faire la différence entre un corbeau et une corneille, à ne pas confondre le coassement de la grenouille avec la douce flûte du crapaud alyte. Apprenez à reconnaitre la morelle douce-amère, la capselle bourse à pasteur ou la cymbalaire des murs. Apprenez les rudérales et les adventices. N’appelez pas « moineau » tous les petits oiseaux que vous rencontrerez. Apprenez à identifier le pipit farlouse (Anthus pratensis) ou le bruant zizi (Emberiza cirlus)). Ecoutez le chardonneret.

 

Apprenez aussi que les pommes de terre se buttent, que les haricots se palissent et que les poireaux se pralinent. Apprenez qu’un binage vaut deux arrosages.

Apprenez, apprenez, apprenez…. Et c’est seulement par cette connaissance que vous serez dignes d’user de ce beau qualificatif d’écologistes.

 

En attendant, votre écologie politique est une imposture.

 

Mieux : C’est une quadruple imposture :  Ontologique, scientifique, politique et idéologique

 

 

 

1-L’imposture ontologique

 

L’écologie, on doit le rappeler, est une science.

Une science que mes maitres, comme François Ramade et Alain Lacoste (1) (2) enseignaient déjà il y a 40 ans, avant que vous n’en fassiez une mode. Une science holistique, exigeante, difficile, compliquée…. Une science qui est en fait une synthèse de tellement d’autres sciences : biologie animale et végétale, toxicologie, pédologie et édaphologie, climatologie, hydrologie….

Pourquoi donc en faire un parti politique ?

 

Le « logos » grec implique une parole raisonnée, voire pour Platon une raison divine, une raison suprême organisatrice, explicatrice de l’univers. Le suffixe -logie décrit l'étude scientifique d'un sujet : ainsi la biologie est la science de l’étude des êtres vivants et l’ophtalmologie, celle de l’étude de l’œil. Aucun rapport, donc, avec une quelconque théorie politique, qui se contente généralement d’un suffixe en -isme, du libéralisme au communisme. Alors, pourquoi ce nom ???

 

L’écologie politique, en employant ce terme, s’affirme de façon fictive du côté de la science, donc de la vérité… de ce bien absolu qui pose Platon contre Nietzsche… Et c’est la première imposture

 

Mieux, l’écologie politique, en se définissant comme science, et qui plus est comme une science œuvrant dans l’intérêt général, se place d’emblée du côté du Bien : Comment s’opposer à la lutte contre la disparition des espèces ou à celle contre le réchauffement climatique ? C’est un peu comme être pour la mort, la maladie, la guerre ou la souffrance : C’est simplement impossible.

Souvenez-vous d’ailleurs que le nom d’un des premiers mouvements se réclamant de l’écologie politique, créé dans les années 70 était « Les Amis de la Terre ». Combattre les idées politiques de ce mouvement, c’était -sémantiquement- se déclarer « Ennemis de la Terre ». Impossible.

Une action « anti-pesticides » ? vite, baptisons- la : « Nous voulons des Coquelicots »…

Qui peut ne pas vouloir de coquelicots ?

Le titre d’un livre de l’écologiste Delphine Batho en est un autre exemple: l’ouvrage intitulé « Ecologie intégrale, Le Manifeste » est vendu avec un bandeau « Etes-vous Terriens ou Destructeurs ? » (3) Comment se dire « Destructeurs » ?? Impossible aussi…

 

On peut très simplement, en un mot, déclarer son opposition aux idéologies communistes, fascistes ou libérales : on se dit alors anticommuniste, antifasciste, antilibéral…

Vous rendez-vous compte qu’on ne peut pas se déclarer simplement anti écologiste ? Se déclarer anti écologiste (du moins contre cette écologie-là) amène automatiquement à devoir se justifier, à l’aide d’une périphrase (au mieux) ou d’une longue explication.

Et puis ce serait comme se prétendre anti-biologiste ou anti-immunologiste et n’aurait aucun sens. Comme on ne peut pas être contre une science, le terme même d’anti écologiste est irrecevable.

Et c’est bien là un des buts recherchés : Rendre l’opposition inexprimable.

 

Hegel disait de la pensée qu'elle n'a de réalité que lorsqu'elle est formulée à l'intérieur de mots : "C'est dans les mots que nous pensons". Plus tard, Georges Orwell inventera la novlangue, dans laquelle on supprime une pensée en supprimant d’abord le mot qui la décrit : « a heretical thought should be literally unthinkable, at least so far as thought is dependent on words. » (une idée hérétique serait littéralement impensable, du moins dans la mesure où la pensée dépend des mots).

 

L’antiécologie est littéralement impensable.

Que répondre à ces injonctions caricaturales ? Que l’écologie politique n’est pas une science, une « -logie », mais qu’elle est en effet en revanche très politique, et que l’on doit s’opposer de toutes ses forces à ses choix de société qui représentent un grave danger pour notre République des lumières et la démocratie.

 

 

2 – L’imposture scientifique

 

Le credo de l’écologie politique vient tout droit de Jean Jacques Rousseau, que certains voient comme le précurseur de la « Deep écologie » : « Peuples, sachez donc une fois que la nature a voulu nous préserver de la science, comme une mère arrache une arme dangereuse des mains de son enfant »… « nos âmes se sont corrompues à mesure que nos sciences et nos arts se sont avancés à la perfection »

(Discours sur les sciences et les arts, 1755)

 

Les écologistes politiques n’aiment pas la science, et on chercherait vainement la moindre trace de science dans cette doctrine politique.

Depuis René Dumont, en 1974, qui était ingénieur agronome, AUCUN des dirigeants écologistes n’a la moindre connaissance scientifique. Qui sont aujourd’hui les leaders écologistes ?

 

Des journalistes (Nicolas Hulot, Noël Mamère), un sociologue (Cohn Bendit), des économistes (Julien Bayou, Cécile Duflot, Yannick Jadot), des spécialistes du droit (Emmanuelle Cosse, Pascal Durand, Brice Lalonde), un historien (David Cormand), des spécialistes de ressources humaines ( Pascal Canfin, François de Rugy)…

On trouve à peu près de tout chez les leaders écologistes.

A l’exception notable, surprenante et systématique de scientifiques, capables de concevoir, comprendre, d’étudier et de défendre les solutions basées sur cette écologie qu’ils prônent.

Voici donc des gens qui basent leur discours sur une science, une -logie… sans y connaitre goutte !

 

Et c’est ainsi qu’ils se retrouvent dogmatiquement opposés à toute manipulation génétique, quel qu’en soit le but : Les « Faucheurs d’OGM » détruisent allégrement les essais de maïs transgénique, même ceux à visée thérapeutique destinés par exemple à la production de lipase gastrique pour soulager un effet secondaire de la mucoviscidose.

Oubliant les milliers de vie sauvées, par les vaccins mais aussi par l’utilisation d’insuline ou d’hormone de croissance produite par génie génétique, par exemple, ils déclarent : « Le collectif des Faucheurs Volontaires d’OGM n’accepte pas et dénonce l’injection de vaccins génétiquement modifiés : La banalisation des vaccins génétiquement modifiés ouvre la porte à l’acceptabilité sociale de toutes les manipulations génétiques.. nous ne voulons pas d’OGM ni dans les champs, ni dans les assiettes, ni dans nos corps » (Lettre ouverte sur les vaccins GM et l’obligation vaccinale, 2022, Faucheuses et faucheurs volontaires d’OGM)

 

Ce qui n’empêchera pas, par ailleurs, les mêmes écologistes politiques de militer en faveur de la PMA et la GPA (avec l’éventuelle sélection d’embryons qui va avec)…

 

Ils sont opposés au nucléaire, au charbon, mais aussi souvent localement aux éoliennes

Opposés à la plupart des produits phytosanitaires et aux engrais, ils défendent les théories ésotériques et sectaire de la biodynamie :

« Du maraîchage en biodynamie qui offre les mêmes rendements que l’agriculture conventionnelle, c’est possible. » (Yannick Jadot Twitter 16 février 2019)

Rappelons une des bases de la biodynamie, la « préparation 500 » telle qu’elle est décrite par le pape de la biodynamie, Rudolf Steiner :« En enterrant cette corne avec le fumier qu'elle contient, nous y retenons l'effet qu'elle exerçait jusque-là sur la vache elle-même, à savoir refléter tout ce qui est vitalisant et astral. Comme la corne est désormais entourée de terre, toutes les radiations qui favorisent l'éthérisation et l'astralisation rayonnent dans son sein intérieur. » Très scientifique…

 

Bien entendu, ils sont opposés à la 5G, opposés aux médicaments et aux vaccins, et méfiants à l’encontre de tout progrès scientifique ou technologique.

 

« La 5G pose des problèmes de santé publique. Attention à ne pas courir après des technologies qui nous amèneraient dans le mur » (Anne Vignot, maire de Besançon)

"La 5G, c'est pour regarder du porno sur votre téléphone, même quand vous êtes dans l'ascenseur, en HD » (Eric Piolle, maire de Grenoble)

"Aujourd'hui, les vaccins créent plus de problèmes qu'ils n'en résolvent, il est temps de changer de paradigme sur la prévention." (Michele Rivasi, députée européenne EELV 2015)

 

Sans oubliez, bien sûr, les dérives complotistes de certains et la dénonciation de risques imaginaires en faisant courir des rumeurs infondées :

« la défiance de la population est considérable depuis les scandales sanitaires liée à la campagne vaccinale contre l’hépatite B initiée en 1994 au prix de plus d’un millier de cas de scléroses en plaques … (Michèle Rivasi, députée européenne EELV 2017)

Rappelons que cette affirmation est grossièrement fausse et qu’aucune des études épidémiologiques internationales et validées n’a réussi à mettre en évidence un quelconque lien de causalité entre ce vaccin et la SEP. Toutes ces études montrent que les populations vaccinées n’ont pas plus de cas de SEP que celles non vaccinées

 

En milieu urbain, les écologistes politiques piétinent le bon sens, les lois de la thermodynamique et les dictionnaires en nous parlant de « mobilité active », « d’énergies renouvelables », de « villes apaisées » et de « déplacements doux »

Ils arrachent les plantes rudérales naturelles qui fleurissent nos talus pour les remplacer par des espèces cultivées peu adaptées aux conditions de la ville, qu’il faudra arroser ou accepter de voir mourir.

Ignorants des règles élémentaires de la nature, ils nous promettent en 2019 une « forêt urbaine » place de la Bastille ou place de l’Hôtel de Ville à Paris, avant d’abandonner cette idée lorsqu’ils réalisent que c’est impossible …puisqu’il n’y a pas de sol !

 

Croyant protéger les abeilles, ils installent des ruches un peu partout à Paris et dans les grandes villes : sur les toits des immeubles, des entreprises, des mairies, de l’Opéra de Paris, même… jusqu’à dépasser les 15 ruches au km2. Merveilleux. Les abeilles sont sauvées, pense l’écologiste politique. Enfin, une espèce d’abeille se porte mieux : Apis mellifera, l’abeille qui est capable de butiner presque toutes les fleurs et vit dans des ruches de plusieurs dizaines de milliers d’individus.

Mais la France compte au minimum mille espèces d’abeilles différentes. La plupart de ces abeilles sauvages sont, elles, des solitaires qui vivent dans des abris dissimulés dans le sol ou dans le bois. Elles sont souvent très spécialisées, et ne peuvent butiner qu’une seule variété de fleurs. De nombreuses études scientifiques l’ont montré, sans ambiguïté : les abeilles domestiques consomment TOUT ! Il ne reste plus rien pour les sauvages. Et les abeilles sauvages sont essentielles, en particulier pour assurer la biodiversité des végétaux.(4)

La solution ? Il va falloir retirer des ruches, et vite, pour passer à moins d’une ruche par Km2 contre les 15 actuelles.

 

Bien sûr, ce n’est qu’un exemple. Mais il démontre qu’on ne s’improvise pas défenseur de la nature, que la bonne volonté seule ne suffit pas, et qu’elle conduit même souvent à l’inverse du but recherché. On le sait : l’équilibre d’une biocénose (Ensemble des êtres vivants d'un milieu donné) est une alchimie complexe … toute intervention humaine, même mue par de nobles sentiments, ne doit s’effectuer qu’après de longues études prudentes et un contrôle assidu.

 

Les écologistes politiques ignorent tout de la science écologie: c’est la deuxième imposture.

 

A suivre....( Voir deuxième partie)

 

  1. François Ramade : Éléments d'écologie - 7e éd. - Écologie appliquée – Dunod
  2. Alain Lacoste : Éléments de biogéographie et d'écologie – Armand Colin
  3. Delphine Batho - Ecologie intégrale Le manifeste Éditions du Rocher
  4. Jonas Geldmann, Juan P. González-Varo : Conserving honey bees does not help wildlife . Science Vol. 359, Issue 6374, pp. 392-393 - 26 Jan 2018

 



05/05/2022
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