Les étoiles dans le caniveau

Les étoiles dans le caniveau

Guéguerre et pets


Paris, novembre 2022

 

 

 

Joyeux contribuables, redevables de l’imposition forfaitaire sur les réseaux de gaz naturel et canalisations d’hydrocarbures régie par les dispositions de l’article 1519HA du Code Général des Impôts, je voudrais vous entretenir céans de la taxe « Rots et Pets » que le gouvernement de Nouvelle Zélande a décidé récemment d’instaurer à l’intérieur de ses frontières.

In English, the “burp and fart tax”.

 

Car je ne sais pas si vous en avez eu vent, mais un air nouveau et frais souffle sur l’écologie, et ça risque de faire du bruit. Les pollueurs n’étant plus en odeur de sainteté, le gouvernement néo-zélandais a eu une (profonde) inspiration : limiter grâce à une taxe les quantités de gaz émis sur leur territoire par les 6 millions de vaches et les 26 millions de moutons qui paissent et pètent en paix sur le territoire en rejetant du méthane.

Ce gaz, moins connu que le dioxyde de carbone, ou CO2,  est pourtant également responsable du réchauffement climatique, avec même un effet de réchauffement 28 fois plus important par kilogramme que celui du CO2 . Rappelons quand même ici que  les gaz de vaches n’en sont pas la source principale et ne représentent qu’environ 17% de tout le méthane émis sur la planète.

 

Le sujet est loin d’être foireux, et suite aux luttes intestines entre écologistes et fermiers, une guéguerre s’est installée dans le pays, les écologistes mettant la pression, tandis que les fermiers soutiennent que cette taxe ne vaut pas un pet de lapin.

L’histoire ne dit pas non plus comment cette taxe sera calculée. Capteurs de pression ? Mini éoliennes sous-caudales ? Caméras à contrôle de flux ? Nul ne le sait.

Sans doute, pour des raisons évidentes, la taxe sera-t-elle simplement jugée comme devant être proportionnelle à la taille du troupeau. Avec un juge de pet, bien entendu.

 

On notera tout de même le côté paradoxal de cette décision. Limiter des émissions de gaz, alors que tout le monde souffre du manque de gaz en provenance de Russie. Car c’est bien de ce même méthane qu’est composé à 91%  le gaz Poutinien qui nous échappe.  

D’un côté, le gaz part et de l’autre le gaz cogne…Ne pourrait-on pas relier ces vaches à un gazoduc ? Construire un Vache Stream, substitut du Nord Stream ?

 

Il ne s’agit pas, pour l’instant (et heureusement) de lutter contre les pets émis par les humains habitant le pays,  nos lointains cousins néo-zélandais. Ce ne sont d’ailleurs pas particulièrement des cousins péteurs . Mais je sens bien l’inquiétude poindre : et si le gouvernement se mettait en tête de nous taxer sur les gaz émis? J’en vois déjà certains trembler…

 

Rassurez-vous !  Sans doute l’ignoriez-vous, mais la composition et l’émission de gaz par un être vivant sont le résultat de processus relativement complexes. Et très différents selon les espèces.

En gros, il faut distinguer les animaux à digestion pré-gastrique (c’est-à-dire avant l’estomac) et les animaux à digestion post gastrique.

Une vache est capable de se nourrir d’herbe, chose que (bien qu’en moyenne plus intelligent qu’une vache) vous êtes bien incapables de faire. Pour réaliser cet exploit elle utilise , en ruminant, un phénomène de fermentation pré-gastrique dans sa panse (ou rumen)  à l’aide de bactéries diverses. Ces bactéries dégradent la cellulose de l’herbe (celle-là même que vous êtes incapables de digérer) en molécules plus simples que la vache peut ensuite assimiler.  Ce faisant, ces bactéries produisent des gaz.  Environ 1500  litres par jour, composés de 70% de CO2 et 30% de méthane, que la vache évacue ensuite à 95% sous forme de rot et 5 % sous forme de pets. Et donc il nous faut détruire ici un mythe (oui, je sais c’est difficile) :  

 

La vache pète peu, elle rote.

 

L’humain, en revanche, est à digestion post gastrique et produit beaucoup moins de gaz qu’il évacue lui principalement sous forme de pets : 0.5 à 1.5 litres, selon les individus et l’alimentation, composés de 59% d’azote, de 21% d’hydrogène, de 9% de CO2 et de seulement 7% de méthane. Le reste étant constitué de différents gaz destinés à parfumer l’ensemble.

 

En résumé comme le dit le biologiste Marc-André Selosse « les prégastriques rotent (beaucoup, car la fermentation y est plus importante), les post-gastriques pètent (un peu) » (1)

 

Et donc les vaches prégastriques rotent beaucoup de CO2 et du méthane, réchauffeurs climatiques, tandis que les humains post gastriques pètent peu, de l’azote et de l’hydrogène, gaz inoffensifs.

Donc les vaches seront taxées, et les humains non. C’est injuste, mais le monde est injuste

 

Et c’est ainsi que s’écrit l’histoire. Dieu est méchant, Madame…

 

 

 

Bibliographie

 

 

  1. Jamais seul – Marc-André Selosse - Actes Sud Nature -Juin, 2017, page 103
  2. Pour le plaisir : Fart Proudly , A Letter to a Royal Academy about farting

Benjamin Franklin . Texte en prose ( !)

 



04/11/2022
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