De l’influence de l’industrie textile sur le concept de bonheur universel
Paris, juin 2013
Elle devrait être triste, Reshma
Début juin, deux enfants riches se sont affrontés dans la rue en France, après avoir voulu tous deux acheter -un peu moins cher- dans une vente privée un blouson qu’elle avait fabriqué. Extrême gauche et extrême droite, ils se sont rencontrés dans le magasin, s’en est suivi un regard, des mots….puis des coups
Ils vivaient pourtant dans une démocratie.
Reshma n’en connaissait que le nom et se disait que ce devait être un bien beau système, la démocratie, même si elle ne comprenait pas tout. Elle n’était jamais allée à l’école et ayant dû travailler très tôt, elle ne savait ni lire ni écrire. Mais elle gagnait 30 euros par mois, dans son usine de textile, ce qui lui permettait de vivre et même d’aider un peu sa famille.
Au nom de convictions politiques, extrême gauche et extrême droite, les deux enfants riches se sont battus et l’un a tué l’autre. Le jeune agent de sécurité, enfant d’une famille sans histoire a tué l’étudiant breton de Sciences-Po à coups de poing.
Elle ne comprend pas, Reshma. Ils avaient pourtant la chance de vivre dans un pays développé, ne savaient pas ce que c’était d’être malade et de ne pas pouvoir acheter les médicaments, ou de ne pas savoir ce qu’on allait pouvoir manger ce soir. Ils ne savaient pas la douleur de perdre un enfant, alors qu’elle…..
Elle, elle aurait pu avoir la rage contre le système, vouloir frapper le contremaitre-tyran , vouloir stopper ces cadences qui l’attachaient à son poste six jours par semaine et dix heures par jour depuis ses seize ans.
Mais eux, ils auraient dû être heureux ; elle avait pourtant usé ses doigts et ses yeux à le fabriquer, ce beau blouson….
Mais elle ne sera plus jamais triste, Reshma. Elle est morte le 24 avril 2013 dans l’effondrement de son usine de Dacca, au Bangladesh .
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