Les étoiles dans le caniveau

Les étoiles dans le caniveau

Petite taxinomie du con

Paris, janvier 2022

 

 

 

Ceux qui me connaissent et me lisent (qu’ils en soient remerciés ici) (oui, c’est le nouvel an et j’ai le droit d’être gentil) (vous avez bientôt fini de m’interrompre ?) savent que mes billets sont souvent le fruit d’une idée et d’une chanson qui me trottent de conserve dans la tête, les deux s’entrechoquant dans mon cerveau malade en me privant de sommeil jusqu’à ce que je les couche enfin sur le papier.

 

La chanson d’aujourd’hui, qui me trottine dans les hémisphères, me vient de Georges Brassens , et s’intitule « La ballade des gens qui sont nés quelque part ». Le grand Georges y parlait des imbéciles heureux (qui sont nés quelque part).

 

« Mon Dieu qu'il ferait bon sur la terre des hommes

Si l'on y rencontrait cette race incongrue

Cette race importune et qui partout foisonne

…..

Que la vie serait belle en toutes circonstances

Si vous n'aviez tiré du néant ces jobards

Preuve peut-être bien de votre inexistence… »

 

Je voudrais élargir le débat en vous entretenant ici des cons.

 

 

Oui… Je sais…. On est toujours le con de quelqu’un …

D’accord. Mais tout d’abord comme dit Dion (non, pas Céline, mais Jean, le chroniqueur québécois (1) ):  «On est toujours le con de quelqu’un…. et tant pis pour lui ! »

Ensuite , je vous rappelle que Georges Orwell a un jour affirmé (2) que « Tous les animaux sont égaux, mais certains sont plus égaux que d'autres » . Et que je ne vois pas de raisons objectives pour que cela ne s’applique pas aussi aux cons, qui sont, somme toute, des animaux comme les autres.

 

Donc oui, certains sont plus cons que d’autres.

 

      

Parlons donc des cons.

 

Ils sont multiformes, et l’époque semble particulièrement propice à l’éclosion de nouveaux modèles. Voici donc, un court « Guide du con », qui se concentrera sur l’essentiel, en portant son attention sur trois types de cons historiques, éternels et ubiquitaires :

 

Le Con-Kapo, le Con-Moi-Je et le Con-Qui-Sait

 

 

 

 

1 – LE CON-KAPO

 

Attention, ce con est le plus dangereux. Ce con a été en effet et par erreur mis en position d’exercer son autorité sur un certain nombre de ses congénères. Il peut être nommé directeur (ou sous-directeur), chef d’équipe, contremaître, team leader, … il en existe plusieurs variants, tous aussi nuisibles.

Cette autorité ne lui a été conférée ni par son intelligence, ni par son talent, (puisqu’il est con) mais par un certain nombre de circonstances, au rang desquelles figurent : la nomination (ou élection) par d’autres cons, les magouilles diverses, la courtisanerie la plus veule, l’héritage, ou les privilèges sexuels (promotion canapé ou tripotage de vieux/vieilles).

 

La terreur permanente du Con-Kapo est que ses administrés se rendent compte de l’imposture que représente sa position de chef : Il compense donc son incompétence par des aboiements répétés. Tout cela est bien entendu inutile, ses subordonnés, même les plus stupides se rendant vite compte de l’escroquerie. Mais ayant une famille à nourrir et des quittances de gaz à payer, ils continuent servilement à caresser, dans le sens du poil, le chef qui en ronronne de plaisir .

 

Adepte du « Si t’es pas content », « C’est moi qui te paie » ou du « Y’en a 10 comme toi qui attendent dehors », sa réponse préférée à une tentative de discussion sensée reste le « Parce que », accompagné parfois du définitif « De toutes façons, c’est moi qui décide».

Désagréable et arrogant a priori, il éructe, casse, impose et terrorise sans cesse tout en en tirant une jouissance facilement perceptible.

 

 Heureusement, sa bêtise lui fait souvent franchir les limites qu’un poing vengeur, ou une inspection du travail, se chargera opportunément de lui rappeler.

 

2- LE CON-MOI-JE

 

Espèce fascinante. Il ne se contente pas d’un simple égoïsme, qui ne se préoccuperait simplement que de son intérêt ou de son plaisir. Non, il est LE solipsiste à l’état pur, ce «sujet pensant en tant qu’il se refuse à admettre l’existence des autres consciences et des objets extérieurs hors de son moi ».

 

Il a l’intime conviction, ancrée au plus profond de son être, que les détails de l’opération de son hernie discale, ses sorties à Disneyland avec ses petits enfants ou la santé de sa grand-mère sont des sujets qui vous passionnent. Il est absolument impératif d’éviter sa rencontre dans la vie réelle, en face à face. Aucune porte de sortie ne serait alors possible pour éviter la torture des photos du petit neveu ou le film de sa dernière coloscopie.

 

Fondateur/ créateur/membre d’honneur de la notion « d’appels illimités » créée par les Fournisseurs d’Accès à Internet (ou FAI), le sujet est généralement atteint de logorrhée (dite diarrhée, ou incontinence verbale, c’est selon) qui lui fait vous raconter sa vie dans les moindres détails lors de conversation téléphonique de trois heures, ou de mails de cinq pages.

Conclut en général ses échanges avec vous d’un bref : « et au fait, toi, ça va ? » en n’écoutant pas votre réponse, et en ne faisant même pas semblant.

 

Il est néanmoins assez facile de s’en libérer : plus de batterie, passage sous un tunnel, sonnette à la porte, appel sur l’autre ligne, ou mail non reçu reste des outils qu’on utilisera avantageusement. Téléphone cassé ou numéro égaré peuvent également être invoqués, en cas d’urgence.

On évitera le « plus de réseau » qu’il utilise lui quand il ne désire pas vous parler, la couverture territoriale des différents FAI susmentionnés, en amélioration constante, rendant l’excuse désormais peu crédible.

 

Contrairement au Con-Kapo mentionné au début de ce billet, il n’est aucunement dangereux. Il est juste très gênant, se situant quelque part sur l’échelle du désagrément entre le moustique et la gastro entérite.

 

 

3- LE CON QUI SAIT

 

Autre con fascinant : quel que soit le sujet abordé, il sait.

Rappelons que la connaissance que possède chaque être humain peut-être symbolisée par un ballon. De la taille d’un petit pois à la naissance, on le gonfle ensuite patiemment par l’écoute des maîtres, l’apprentissage, l’éducation pour augmenter sa taille, qui ne possède pas de limites et peut donc être développée à l’infini.

Ce qu’on ne sait pas, (et la perception que l’on a de cette ignorance), est elle représentée par la surface extérieure de ce ballon, représentant le contact entre notre connaissance (le ballon) et le reste de l’univers. Plus le ballon augmente, plus notre ignorance (et le sentiment de cette ignorance) croit.

 

Le con qui sait, en revanche, sait. Donc il n’écoute pas, n’apprend plus et reste avec un volume au niveau du petit pois, ou de l’orange dans le meilleur des cas.

Mais en conséquence, il ne sait pas ce qu’il ne sait pas (ou comme disait plus joliment Jacques Brel, il ignore ignorer). Arrimé à ses certitudes comme une bernique à son rocher, ou comme un morpion à … enfin, sûr de lui, le con n’en démord pas. Il sait, et il le dit.

 

Il est tour à tour et à la fois physicien, médecin épidémiologiste, spécialiste des relations internationales, biologiste, psychologue ou cuisinier. Et il est donc persuadé être capable d’expliquer les trous noirs à Stephen Hawking, la conduite à tenir vis-à-vis de Poutine à un ambassadeur, de conseiller les meilleurs traitements antiviraux à un médecin ou de discuter ARN messager avec un biologiste moléculaire. Le tout en se sentant parfaitement apte également à enseigner à un Breton comment ouvrir les huitres ou faire des crêpes.

Bien entendu, tel un grand-frère des cités, il sait ce qui est bon pour vous, et ce que vous devriez faire, quand et comment, si seulement vous étiez moins sot.

Une de ses phrases favorites ? : « Si j’étais toi ».

A laquelle mon écho personnel répond à l’infini: « tais-toi, tais-toi… »

 

Inconscient du ridicule dans lequel le plonge chacune de ses interventions, Il ose tout, et c’est même à cela, selon Michel Audiard, qu’on le reconnait.

 

Telle une étoile en fin de vie, cette supernova de la connerie s’effondre en permanence sur elle-même dans une explosion lumineuse de bêtise satisfaite et repue.

Situé très haut sur l’échelle de la connerie, on pourra avec succès s’inspirer de certains afin d’établir, de manière irréfutable et en platine iridié, LA mesure universelle tristement manquante du con-étalon, à déposer, bien entendu, au pavillon de Breteuil.

 

 

Voilà. Comme je le disais en préambule, ce court guide ne peut rendre compte de l’incroyable foisonnement, de la richesse des mutations incessantes, de l’apparition de nouveaux variants…. bref, de la diversité du con. Elle est infinie, et Dieu (qui n’existe pas) dans son immense méchanceté, y veille.

J’espère néanmoins qu’il vous sera utile pour écarter de votre route les individus les plus envahissants.

Du moins tant qu’ils ne seront pas enfermés dans des asiles de cons. « Mais vous imaginez un peu la taille des bâtiments » ?? (3)

 

En conclusion, je reprendrai le célèbre mot de Charles de Gaulle (4) : à Louis Vallon, (député et gaulliste de gauche -si, c’est possible- !) qui lors d'une réunion, lui aurait lancé un « Mort aux cons, mon général !» il aurait répondu : « Ouh….Vaste programme ! ».

Oui, Vaste programme … 

 

Mais vous le savez, la vastitude d’un sujet n’est pas pour m’effrayer et j’ai la bravitude qu’il faut.

 

Mort aux cons, donc !!

 

 

 

 

Bibliographie :

 

 

  1. Si vous ne le connaissez-pas, à lire impérativement ! https://www.ledevoir.com/auteur/jean-dion
  2. George Orwell : La Ferme des animaux (titre original : Animal Farm. A Fairy Story). Folio classique Gallimard
  3. Extrait des dialogues du film « Tais-toi » de Francis Veber.

    Le psy (André Dussolier): "C'est un petit mental qui a une incapacité totale à s'extraire du présent""En clair, il est incroyablement con"

    Le directeur de prison: "Docteur, il faut me débarrasser de lui. Je suis sûr qu'il serait mieux à l'asile"

    Le psy: "C'est un asile de fous, pas un asile de cons. Il faudrait construire des asiles de cons ….  Mais vous imaginez un peu la taille des bâtiments..."

  4. Cité par Marcel Jullian, De Gaulle, Pensées, répliques et anecdotes, éd. Le cherche midi, 1994.

 

 

 



12/01/2022
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