Les étoiles dans le caniveau

Les étoiles dans le caniveau

Flamel 2025

Paris, mai 2025

 

 

 

Joyeux contribuables, redevables de la taxe forfaitaire sur les cessions ou exportations de métaux précieux, bijoux et objets d’art prévue aux articles 150 VI et suivants du Code Général des Impôts, je crains que vous ne soyez passés à côté d’une information que le monde attendait pourtant depuis des siècles : 

  

On a récemment réussi la transmutation du plomb en or ! 

 

Oui, ce vieux rêve des alchimistes, et notamment du plus célèbre d’entre eux, le français Nicolas Flamel (1330-1418) est devenu une réalité, sans que personne ne le remarque. Et ce n’est pas Nicolas qui l’a accompli, mais Alice…

 

Mais revenons un peu en arrière, et révisons nos notions d’atomistique : 

 

Comme nous le savons (et pas seulement d’Alep), tout atome qui se respecte est composé d’un noyau constitué de protons, de charge positive, et de neutrons qui sont … ?? ben neutres, faudrait voir à suivre un minimum ! 

 

Autour de ce noyau gravitent les électrons, chargés eux négativement. L’atome étant globalement neutre, on trouve autant de protons que d’électrons. 

Tous les atomes sont construits sur ce principe. La seule chose qui change, et qui définit un atome et ses propriétés, c’est son nombre de protons/électrons et son nombre de neutrons. 

 

L’atome d’hydrogène, par exemple possède 1 électron et donc 1 proton. On ne peut pas faire plus simple. 

L’atome d’oxygène, dont vous êtes composé à 65 %, lui, possède 8 électrons, et 8 protons. 

 

Mais venons-en à ce qui nous intéresse ici, c’est-à-dire ce qui différencie le plomb de l’or : le plomb est constitué de 82 protons. Et l’or, lui, de 79 protons. 

 

Eh oui. Seulement trois petits protons en moins ! Trois minuscules protons pour passer du plomb moche, gris, mou et toxique au métal précieux au doux reflet dont les reines antiques ornaient nonchalamment leur gorge laiteuse, à demi nues sous leurs toges que le vent du soir, mutin, soulevait doucement en dévoilant…. 

 

Pouf, pouf. Je m’égare. Revenons à nos protons. 

 

Entre le plomb (82) et l’or (79), dans la classification de notre ami Mendeleïev dont je vous ai déjà parlé par ailleurs (1), on trouve le Thallium (81 protons) et le Mercure (80 protons). 

 

 

 

Les scientifiques du CERN (Conseil Européen pour la Recherche Nucléaire) ont récemment imaginé une expérience à laquelle ils ont donné le doux nom d’ALICE, pour “A Large Ion Collider Experiment, soit “Une expérience au grand collisionneur d'ions” : 

 

Cette expérience a été réalisée au LHC, le “Large Hadron Collider”, ou Grand collisionneur de Hadrons. (Pour info, les hadrons, c’est l’autre petit nom des protons et des neutrons). 

 

Le LHC, le plus puissant accélérateur de particules jamais construit, est un anneau de plus de 26 kms, situé sous terre à cheval sous la frontière franco-suisse. Grâce à une série d’accélérateurs de particules à base de gigantesques aimants, ils sont parvenus à faire circuler côte à côte dans cet accélérateur des noyaux de plomb à une vitesse atteignant 99.999993% de la vitesse de la lumière.  

 

Lorsque des noyaux de plomb se frôlent à cette vitesse, ils produisent des champs électromagnétiques extrêmes qui déclenchent une émission de photons. Ces photons, en interagissant avec un noyau de plomb, provoquent des oscillations de sa structure interne qui aboutit à l’éjection d’un ou de plusieurs protons ... et vous l’avez déjà compris :   

 

Selon que l’on éjecte un, deux ou trois protons du noyau de plomb, on transforme celui-ci en thallium (bof), en mercure (re-bof !) ... ou en or !! 

 

Grâce aux scientifiques du CERN, en 2025, on maîtrise enfin la chrysopée (du grec khrysos, « or », et poiēin, « faire »), cet art de faire de l'or par transmutation que poursuivait tous les alchimistes. 

 

Plusieurs mauvaises nouvelles cependant :  

 

1- 86 milliards de noyaux d’or ont ainsi été créés lors de l’expérience. Cela peut paraitre beaucoup dit comme ça, mais ne représente que 29 picogrammes (29 millièmes de milliardièmes de gramme). Soit, au prix actuel de l’or, 0.000000002 euros.  

2- Affaire peu rentable, donc, si on compare avec le prix du matos (5.2 milliards d’euros pour le LHC, quand même) et le prix des 4 ans de travail de plus de 1000 personnes signataires de l’article provenant de 36 pays et de 132 instituts.  

3- Et je ne parle pas de la note d’EDF pour alimenter les méga-électro aimants des accélérateurs linéaires... 

4- De plus, les noyaux d’or ainsi formés heurtent rapidement les parois de l’accélérateur où ils se fragmentent immédiatement... L’or n’existe qu’une infime fraction de seconde... 

 

Bref, ce n’est pas comme cela que nous allons devenir riches et pouvoir enfin nous vautrer dans le stupre sur des divans de soie en savourant des dattes fourrées.  

 

Une fois de plus, notre rêve se désagrège au moment où l’on croyait l’atteindre.  

 

“Mother Nature is a bitch.” 

 

Et c’est ainsi que l’histoire s’écrit. Dieu est méchant, Madame. 

 

 

 

 

1 – A lire, “Les très riches heures de DIMITRI IVANOVITCH CARBONARA, petit atome de carbone. https://les-etoiles-dans-le-caniveau.blog4ever.com/articles/les-tras-riches-heures-de-dimitri-ivanovitch-carbonara-petit-atome-de-carbone 

2- Proton emission in ultraperipheral Pb-Pb collisions at √SNN

=5.02 TeV 

Acharya et al. - Phys. Rev. C 111, 054906 – Published 7 May, 2025  https://journals.aps.org/prc/abstract/10.1103/PhysRevC.111.054906

 



18/05/2025
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