Les étoiles dans le caniveau

Paris, mai 2013

J’ai un nouveau voisin du dessus !…

Au départ une nouvelle annonciatrice de rencontres, de regards furtifs (s’il s’agit d’une voisine) dans l’ascenseur, d’échanges météorologiques incompétents, certes, mais aimables..

Je l’aimais déjà, cette personne qui verrait « presque » la même chose que moi par la fenêtre. Vous avez déjà fait cette expérience, de regarder la vue par la fenêtre de vos voisins du dessous ou du dessus. ? C’est la même vue et pourtant tout est différent. Les arbres changent de forme, le ciel est plus ou moins vaste…

Bref. Malheureusement, l’être humain est désormais connecté et donc moderne. Il regarde le petit écran et suit avec gourmandise  les D&co, Question Maison, Côté Maison, Déco 8 … Il est abonné à Arts et Décoration et dévore Marie-Claire Maison.

Il se dit qu’il se doit bien quelque part d’être l’homme du XXI ème siècle (comme disait Audiard) et donc qu’il ne peut pas vivre sa vie d’homme sans avoir repensé les volumes, imaginé les espaces et équipé sa cuisine.

Pourquoi avoir ainsi réveillé le Damidot qui sommeillait en lui ? Il le sait bien, pourtant, que Spinoza ne mentionne nulle part l’intervention du BA 13 dans l’apprentissage du bonheur ? Qu’il n’est nulle part fait mention de l’évier deux bacs dans l’ataraxie d’Epicure ? Que Nietzsche est muet sur l’influence de la peinture satinée sur l’acceptation du réel ?

Alors il creuse, perce, peint, remue, déplace, scie, fore, défonce, ajuste, tape, fraise…. Depuis un mois !

Et moi, je le déteste déjà, cet individu qui m’a volé toutes ces minutes de silence que je ne retrouverai jamais, qui couvre chaque jour de ses éructations mécaniques les trilles des merles et les « tihihis » de l’accenteur mouchet.

Si « Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie », je voudrais juste avoir un peu peur.